C’est toujours un plaisir de recevoir dans sa boite mail une invitation pour un vernissage, si en plus ça se passe aux Carrières de Lumières et que de surcroit l’artiste mis en avant est Van Gogh, c’est le ticket gagnant. La première fois que j’ai mis les pieds dans les Carrières de Lumières, elles ne portaient pas ce nom et s’appelaient encore les carrières du Val d’Enfer. C’était lors d’une sortie scolaire à l’école primaire. Non, on ne nous a pas emmenés dans ces anciennes carrières de pierre pour casser des cailloux et nous punir de notre année scolaire mais nous nous sommes rendus dans cette cathédrale de pierre pour aller voir les projections qui avaient lieu sur les murs blancs. Et déjà à l’époque c’est Van Gogh qui était projeté ! Ce fut donc un double retour dans les carrières celui de Van Gogh et le mien (mais c’est plus anecdotique).
Pour ceux qui ne connaissent pas, les carrières du Val d’Enfer ce sont des carrières de pierre creusées dans la montagne à proximité du village des Baux-de-Provence dont les murs plats de pierre blanche hauts de plusieurs dizaines de mètres sont parfaits pour des projections. Des projections de tableaux accompagnées de musiques, c’est ainsi que débute en 1976 une nouvelle vie pour les carrières. Depuis 2012, les carrières du Val d’Enfer prennent le nom de Carrières de Lumières en passant dans le giron de Culturespaces le plus grand opérateur privé de gestion de lieux culturels en France. Culturespaces gère par exemple l’Hôtel de Caumont à Aix-en-Provence ou le Château des Baux-de-Provence à proximité des… carrières et oui !
C’est donc avant tout le monde que nous avons pu admirer (ma collègue Sonia et moi) la superbe exposition immersive et discuter avec les concepteurs Gianfranco Ianuzzi, Renato Gatto, Massimiliano Siccardi et Luca Longobardi (un quatuor italien).
À l’époque, je me souviens de tableaux projetés les uns à côté des autres créant un musée imaginaire où auraient été réunies les œuvres disséminées dans le monde entier. La musique était choisie mais dans mon souvenir pas particulièrement retravaillée. C’était déjà une émotion que de voir ces toiles projetées en grande dimension et l’enfant d’une dizaine d’années que j’étais était émerveillé. Je me souviens avoir mitraillé les projections avec le précieux appareil photo que mon père m’avait prêté pour l’occasion. Je voulais absolument ramener le souvenir de cet instant magique et j’ai fait crépiter le flash tant de fois que j’ai utilisé environ deux pellicules. Oui à l’époque on utilisait des pellicules et il fallait attendre le développement chez un professionnel pour voir si la photo était réussie. Quelle ne fut pas ma surprise de voir des photos de murs blancs. L’enthousiasme et la jeunesse, sûrement, m’avaient empêché de réfléchir et je vous le dis : Ne mettez pas le flash si vous prenez des photos ! C’est sûrement parce que je ne suis pas le seul à avoir fait la bêtise que des panneaux « flash interdit » ont été installés aujourd’hui.
Je n’ai pas fait l’erreur cette fois. De toute façon avec le numérique, on peut voir ses photos de suite et l’on n’est plus limité, donc on appuie plus facilement sur le déclencheur. Les choses ont bien changé depuis 30 ans et le numérique n’a pas révolutionné que la photo. Car le spectacle est tout à fait diffèrent de mon souvenir : aujourd’hui on voit des détails de tableaux, il y a des animations, cela crée une atmosphère et nous amène à voir ce que l’on n’aurait pas forcement vu. Tiens tiens l’invisible devient visible, ça me rappelle quelque chose 😉
On peut comprendre facilement le parti pris des concepteurs et voir où ils veulent nous entraîner.
Franchement ? Ça vaut le coup ! C’est un vrai plaisir de se promener dans les carrières entouré des tableaux de Vincent Van Gogh, de ces couleurs, de cette lumière et d’écouter ces musiques dont les choix sont audacieux. Si Puccini, Lully, Vivaldi ou Mozart sont attendus, Janis Joplin, Miles Davis ou Nina Simone sont plus surprenants. Luca Longobardi, le compositeur de l’équipe, le confirme. Il nous a expliqué (en italien) lors d’une discussion privilégiée qu’ils avaient voulu nous faire entrer dans la tête du peintre et que la musique vient soutenir cette idée. Les musiques tantôt accompagnent les tableaux, tantôt sont en contradiction comme pour montrer la folie du peintre, ces voix qu’il entendait.
Nous avons pu aussi discuter avec Gianfranco Ianuzzi qui est un peu le chef d’équipe. Il était en train de se promener dans les carrières durant la projection lorsque nous l’avons croisé et j’ai pu lui dire que petit j’étais déjà venu voir Van Gogh dans ces mêmes carrières. Il m’a répondu avoir créé à l’époque cette exposition car il collabore avec les carrières depuis 30 ans (séquence émotion).
C’est un spectacle maîtrisé que nous avons pu voir, il a d’ailleurs fallu un an et demi de conception pour une demi-heure de projection. Le travail n’est pas visible et c’est bien là que l’on voit lorsque quelqu’un maitrise son sujet.
Nous avons pu voir aussi une projection plus courte que vous pourrez voir entre les projections de Van Gogh, c’est le film Japons rêvés. Créé à partir d’estampes des 17èmes et 19èmes siècles il est vraiment très beau et très poétique. C’est le studio Danny Rose qui est à l’origine de ce film de 12 minutes dont les séquences s’enchainent sans temps mort. On est stupéfaits par la modernité des dessins que l’on croirait sortis de mangas. J’ai particulièrement aimé la séquence sur la mer et celle des lanternes japonaises.
Revenir trente ans après et revoir Van Gogh dans les carrières, ce fut un clin d’œil personnel sympathique et agréable mais ce fut surtout un choc car j’ai pu mesurer tous les progrès et le travail faits pour nous emmener dans un autre monde. J’y retournerai en famille avant que la foule des touristes n’arrive ou bien après qu’elle soit partie car nous avons jusqu’au 5 janvier 2020 pour aller profiter de ce magnifique spectacle.
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