Il est un lieu hors du temps que nous aimons faire visiter à Aix-en-Provence et que nous vous proposons de découvrir en complément d’une visite guidée de la ville. C’est sur la colline des Lauves au nord du centre-ville d’Aix-en-Provence qu’a été construit l’atelier de Paul Cezanne, peintre à la carrière déjà bien entamée et vivant de l’argent que son père avait amassé d’abord comme chapelier puis comme banquier.

Cette aisance financière a permis à Paul de vivre sa peinture comme il l’entendait sans avoir de maitre à qui rendre des comptes. De toute façon, avec son caractère bouillonnant, explosif voire même soupe au lait, il n’aurait pu s’accommoder d’un maitre. C’est ce qui a permis que la peinture de Cezanne soit celle que nous connaissons aujourd’hui, libre de toute contrainte, de tout jugement car faite loin de ces élites et de ces critiques prompts à clouer au pilori les moindres écarts de la norme.

Paul Cezanne était un vrai Aixois, né en 1839 et mort en 1906 à Aix-en-Provence il disait de sa ville « Quand tu es né là-bas c’est foutu, rien ne te dis plus. » Il aimait sa ville, sa campagne et ses couleurs. Il a peint notamment la Montagne Sainte-Victoire 87 fois.

Cet atelier il le fait construire à proximité d’un point de vue sur la montagne, aujourd’hui le terrain des peintres. C’est ici qu’il a peint, entre autre, 11 montagnes Sainte-Victoire, les trois grandes baigneuses ou encore le jardinier Vallier qui serait sa dernière toile.

L’atelier Cezanne est un lieu de mémoire appartenant aujourd’hui à la ville et qui a failli ne pas arriver jusqu’à nous. En effet, à la mort du peintre l’atelier est resté fermé pendant 20 ans. La famille, sa femme et son fils n’ayant pas de grand intérêt pour le lieu et en 1926 c’est l’historien et poète Marcel Provence qui achètera le lieu pour le protéger des investisseurs. Il dormira au rez-de-chaussée pour que l’atelier se trouvant à l’étage ne soit touché, laissant à leur place tous les objets que le peintre avait laissés à sa mort.

À la mort de Marcel Provence, en 1952, les promoteurs se frottaient les mains devant l’indifférence des pouvoirs publics et de la population qui étaient prêts à laisser détruire le lieu et le voir être remplacé par un immeuble quelconque. On doit à quelques américains ulcérés d’imaginer que ce lieu de mémoire exceptionnel puisse disparaître d’avoir réagi. Ils ont lancé une souscription auprès d’universitaires américains pour se porter acquéreur de l’atelier des Lauves et l’offrir à l’université d’Aix-en-Provence. Ne pouvant le gérer, elle le cédera à la Mairie d’Aix-en-Provence qui en est toujours propriétaire de nos jours.

Lorsque l’on monte sur la colline, aujourd’hui, c’est bien différent de l’époque. Aujourd’hui l’atelier est entouré de maisons et d’immeubles lui qui semblait bien seul sur les photos d’époque. La végétation s’est densifiée accentuant l’impression de saut dans le temps.

 

Car lorsque l’on passe le portail d’entrée, la terrasse vous accueille au début du 20ème siècle. Mais le vrai voyage se fait en montant à l’étage par les escaliers en tomettes rouges. En haut, se trouve la porte de l’atelier proprement dit. Dans cette pièce, rien n’a bougé, rien n’a changé depuis 1906. C’est d’ailleurs émouvant de se dire que tous les objets qui sont là sont ceux du peintre, des objets originaux. Ce ne sont pas des objets d’époque réunis « à la manière de » comme dans d’autres lieux de mémoire. Bon j’avoue, la seule chose qui a changé depuis l’époque ce sont les pommes qui sont changées régulièrement.

Ne cherchez pas les pinceaux de Cezanne que vous pouvez voir sur l’une de mes photos, des visiteurs indélicats ont obligé à les conserver dans un coffre mais j’ai eu la chance de pouvoir les toucher lors du tournage de l’émission de France 5 « Les 100 lieux qu’il faut voir dans les Bouches-du-Rhône » (vidéo en fin d’article).
On ressent dans ce lieu l’âme du peintre, sa présence et l’on se surprend à s’attendre à ce qu’il passe la porte à tout moment.

L’atelier lui-même, conçu par Paul Cezanne en personne, est d’une ingéniosité folle avec sa grande verrière au Nord pour avoir une lumière neutre tout au long de la journée et des volets occultant sur les fenêtres opposées pour masquer la lumière changeante. À droite de la verrière se trouve une astucieuse trappe pour faire passer les grandes toiles qui ne passaient pas par l’escalier (les grandes baigneuses qui font environ 2 mètres sur 3 sont certainement passées par là).

Pouvoir approcher les objets que Cezanne a peint ou sa table et sa chaise où il prenait ses repas, son sac à dos qui lui permettait d’aller peindre en extérieur c’est impressionnant. C’est aussi voir à quel point il vivait simplement car il était totalement tourné vers sa peinture.

Ce lieu chargé d’histoire, la petite de Cezanne et la grande histoire de l’Art, est un lieu charmant dont on ne ressort jamais totalement identique à ce que l’on était en arrivant. L’atelier de Cezanne est un lieu que j’aime visiter ou faire visiter car j’y trouve toujours de nouvelles choses à voir.

Frédéric Paul

Informations pratiques

L’atelier de Cezanne se visite seul ou avec un guide de février à décembre (entrée tarif plein sans visite guidée 6€50). Nous serons ravis d’organiser votre visite de l’atelier et pourquoi pas une visite autour de Cezanne lors d’une demi-journée ou d’une journée.

L’accès au jardin, aux expositions temporaires ou à la vidéo sur l’univers de Paul Cezanne est gratuit. Réservation obligatoire, sous réserve de disponibilité. Pas de réservation par téléphone.

« Les 100 lieux qu’il faut voir dans les Bouches-du-Rhône » du 28 mai 2016 sur France 5 (extrait)